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les blessures de la vie.

Elle se manifeste ordinairement par « l’article à faire. »

Faire l’article, c’est se mettre à l’ouvrage le soir, pendant que les camarades flânent, fument, causent, prennent l’air, oublient les fatigues de la journée. Les corvées du bureau nous ont abruti, les doigts fatigués refusent de tenir la plume, les yeux lourds et rougis voient danser les lignes qui tombent à grande peine sur le papier ; n’importe, il faut faire l’article. Les seules étapes permises sont les minutes d’épuisement où il faut se prendre la tête entre les mains et la presser, afin d’en faire jaillir l’idée rebelle.

Cela sera tant que l’abonné, couché mollement dans son fauteuil, se dira en remettant sur le guéridon, « Le Drapeau de l’Union : »

— On n’écrit pas si mal après tout dans mon journal.

Ces bonnes paroles compteront pour une partie du salaire de l’assistant-rédacteur.

Il est vrai qu’il pourra se payer les saluts empressés du député qui veut s’assurer une entrée dans le tirage de demain pour y défendre une de ses mesures. Quand il passera dans la rue, quelques déclassés des lettres admireront silencieusement en lui l’homme qui peut se faire imprimer tous les jours, et le malheureux n’aura pas besoin de pendule pour se tenir éveillé le matin. Dès six heures, le propriétaire enchanté d’avoir reçu la veille les félicitations et le