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histoire de tous les jours.

ne mourra jamais, malgré les nombreuses ventouses appliquées sans cesse à l’endroit où invariablement il prend naissance — le porte-monnaie.

M. Pichette, charcutier, sera incontestablement échevin de la ville. Il faut s’insinuer dans ses bonnes grâces, si on veut les voir réagir sur le journal, sous forme du patronage de la municipalité. On le flattera donc en le faisant passer dans la première colonne, tandis que M. Martineau n’occupera que la seconde. Il est vrai que ce dernier n’a que son corbillard pour vivre.

Le moindre fragment d’avis, la naissance la plus imprévue, les décès à héritages, les plus légers mariages, toute cette partie du journal qui se lit à la vapeur, devient ainsi un mosaïque qu’il faut reconstruire quotidiennement. Cela menace de durer tant qu’elle contiendra tous les jours les noms des heureux quincailliers, des bonnetiers, des cordonniers qui voudront de plus en plus river, coiffer, ou chausser la fortune près de leur comptoir ; tant que l’abonné encouragera l’honnête industrie de M. Martin ; tant que chaque lundi reviendra la nomenclature des hommes et des femmes qui aiment à se dire oui, pour mieux se contredire plus tard ; tant que tous les neuf mois les petits anges quitteront les cieux pour se blottir frileusement au fond d’un berceau.

Un assistant-rédacteur, qui sait bien se tirer de ces écueils, ne tarde pas à conquérir la confiance de son chef.