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histoire de tous les jours.

Bientôt vous saurez par vous-même comme une journée passe vite à catéchiser les petits enfants, à faire descendre sur les hommes le pardon de Dieu, à bénir le berceau, l’anneau conjugal, le lit de mort, le cercueil de toute une paroisse.

Vous me demandez des renseignements sur un de vos élèves : ce désir est facile à satisfaire, bien que le registre de ma mémoire commence à être quelque peu volumineux.

Paul Arnaud est le fils d’un avocat, venu, il y a quatre ans, chercher aux Cèdres la modeste clientèle que Montréal s’obstinait à lui refuser.

Quand le soir, au coin de mon feu, après avoir fait la lecture du bréviaire, je me ferme les yeux et me prends à recueillir mes souvenirs douloureux, je revois le père de Paul, passant sous les fenêtres de mon presbytère, assis sur le devant d’une charrette chargée de quelques meubles équilibrés çà et là sur des livres de droit, ayant à côté de lui son fils, et sur ses genoux une enfant bien vive, bien gentille. La petite famille avait acheté à crédit un emplacement auprès de mon église. Elle s’y installe ; puis, à quelque temps de là — en automne — je retrouve encore cet homme, pâle, décharné, couché sur un lit d’agonie.

La maison du mourant est froide, abandonnée : il n’y est venu pour tout client que la consomption et le dénuement, et j’arrive à leur suite, pour commencer le travail de la réconciliation.