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à la veillée.

ses lèvres, si le petit Descoteaux, penché vers la fenêtre depuis quelques instants ne lui eût crié d’une voix chevrotante :

— Prends garde, Jérôme, les marionnettes sont sur la maison.

Ce curieux avertissement rendit Tanguay muet comme un poisson.

C’est une croyance commune à beaucoup de pêcheurs et d’habitants qui vivent sur le littoral du bas Saint-Laurent, qu’un air d’instrument ou une chanson dite le soir, lorsque le temps est calme, fait danser les marionnettes à volonté.

Malheur à l’imprudent Orphée qui s’amuse à jouer avec les sylphes mystérieux qui tressent les blonds fils de l’aurore boréale. À mesure qu’il les regarde nouer leurs valses tournoyantes, il se sent fasciné : peu-à-peu sa pupille se dilate, le chant devient de plus en plus faible ; à peine l’entend-on, et le lendemain matin, le paysan matinal retrouve l’impresario immobile sur la grève. Son âme s’en est allée se mêler à la danse vertigineuse des marionnettes.

Un soir, ajouta Descoteaux en m’expliquant cette poétique croyance, nous étions allés faire une promenade au large, lorsqu’un de mes oncles s’avisa de les faire danser. Petit-à-petit leur cercle de feu vint se rétrécir au-dessus de notre tête ; les marionnettes se mirent à tournoyer autour de la berge et à nous