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à la brunante

par des cris d’outardes. Un volier passait au-dessus de la maison ; je le sentais venir à travers les nuages noirs, et bien qu’il fît froid dehors, je ne pus résister à l’envie d’aller leur lâcher un coup de fusil. Je sors tel quel, en petit costume de paradis terrestre, et, après avoir semé mon plomb au hasard, je rentre tout grelottant me fourrer sous mes draps et dormir un petit somme. Ça allait superbement ; je crois que j’étais même à la veille de faire un beau rêve, lorsque tout-à-coup j’entends tic ! toc ! pif ! paf ! sur le toit de ma maison. Je cours dehors, avec un fanal cette fois-ci, et, à ma grande surprise, je trouve… quatre outardes mortes ! Tu peux juger si le volier était haut, Jean Bart ; elles avaient mis trois-quarts d’heure à tomber par terre !

— Dévoration ! quel beau coup ! s’écria Jean Bart, — en décochant une tendre œillade à son verre demi-plein, qu’il faisait miroiter auprès de la chandelle, — mais pas comme le mien.

Hier, je remontais le bord de la Rivière Blanche, lorsqu’au coude qu’elle fait près du Boom, j’aperçois cinq superbes canards qui barbotaient de conserve. J’avais bien avec moi tout ce qu’il fallait ; mais comment tirer ? en ligne, les cinq coins-coins y seraient passés, mais hélas ! ils nageaient en demi-cercle. Tout-à-coup une idée lumineuse me traverse la tête. Mon fusil avait le canon aussi long que celui qui est là, suspendu à cette poutre. Il avait vu les temps des Français ; ce sont les meilleurs, paraît-il, et comme j’avais une aveugle confiance en lui, je l’arcboutai sur