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le baiser d’une morte.

— Cela ne fait-il pas pitié de voir un si joli garçon se gaspiller comme ça entre les mains de cette espèce de savant qui au fond n’est qu’un vieux sorcier !

Même la petite Françoise, qui était érudite, leur avait à ce propos raconté l’incendie de Jeanne d’Arc, car elle parlait en termes ; mais je faisais l’homme qui ne voit pas, ne comprend pas, et j’allais bravement chaque soir soulever la clenche de la porte maudite.

Nous étions déjà à l’approche de la Noël 1839.

Ce soir-là, en attendant l’heure de la messe de minuit, je m’étais rendu, comme à l’ordinaire chez le père Chassou, et nous venions de terminer une étude ravissante sur les vieux noëls de jadis

Au dehors, on entendait craqueter la neige sous les pieds des chevaux qui menaient l’habitant de la concession réveillonner chez son ami du bord de l’eau. De temps en temps un des clous du toit, saisi par le froid, sautait en produisant une forte détonation. Il faisait bon être dans une maison par un temps pareil, et, tout en me disant cela, je regardais la veilleuse placée entre nos deux violons couchés nonchalamment sur la table, éclairer le front du père Chassou, qui paraissait plus pensif qu’à l’ordinaire.

J’allais rompre le silence, lorsque tout-à-coup je le vis se lever et quitter la salle basse où nous étions. Il ne fut qu’un instant sorti, mais il n’était plus seul lorsqu’il revint, car dans chacune de ses deux mains longues et blanches, il tenait douillettement deux