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à la veillée.

Et quand nous fûmes en pleine mer,
On vit venir trois gros navires,
Courant sur nous à grand’furie.
Trois coups de canon ont tiri,
Visant notre gaillard derrière ;
Sans aucun mal purent nous faire.

Le Capitaine s’est écrié :
— Y a-t-il de nos gens de blessé ?
Ah ! oui vraiment, mon capitaine,
Regarde donc le contre-maître.
— Mon contre-maître, mon bon ami,
Aurais-tu chagrin de mourir ?

— Tout ce que je regrette au monde,
C’est le joli cœur de ma blonde.

— Ta blonde, nous l’enverrons chercher
Par trois soldats de l’Amérique.
Tant loin qu’elle les voit venir,
Ses pleurs, elle ne peut retenir :
— Ne pleurez pas jeune galante,
Sur la blessure qui me tourmente.

— Je vendrai, robes et jupon,
Et mon anneau, puis ma coiffure,
Galant, pour guérir ta blessure.

— N’engage rien de ton butin ;
N’engage rien dedans ce monde,
Car ma blessure est trop profonde. —

Sur les deux heures après minuit,
Le beau galant rendit l’esprit.
— Adieu la brune ! adieu la blonde !
Moi, je m’en vais dans l’autre monde !


J’étais en train de songer à ce jeune et élégant contre-maître frappé par un boulet sur le gaillard