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à la veillée.

s’amuser, personne ne prit la peine de relever son allusion, et Jérôme décrochant son violon se mit à jouer un reel.

Je ne sais pas si c’est la mode ailleurs ; mais chez nous, en bas, puisqu’il est convenu d’appeler ainsi les paroisses qui suivent le Bic, un bon violoneux joue autant des pieds que des mains. Ceci paraît être un paradoxe ; rien n’est plus vrai pourtant ; car, pendant que la main conduit l’archet, les pieds dansent et battent la mesure. La pose classique consiste à mettre habit bas, avoir la tête légèrement penchée en arrière, et tenir le violon moitié appuyé sur la bretelle, moitié retenu par les plis bouffants du gilet.

Le reel eut pour effet de faire sortir maître Blais de sa manie de politiquer.

Il s’avança fort galamment, ma foi, vers madame Tanguay, et tous commencèrent les premiers pas de cette danse fringante que nous tenons des Écossais.

De temps à autre, Jérôme s’arrêtait pour s’essuyer le front et prendre un coup ; tout le monde faisait de même, et la danse reprenait de plus belle, jusqu’à ce que Blais, se laissant tomber de fatigue sur sa chaise, Jérôme se prit à nasiller :

— Lizotte, tu vas nous dire une chanson.

— Saperlotte ! je ne sais rien et j’ai le rhume, répliqua l’interpellé, un solide gaillard de six pieds, qui avait la voix sonore et pleine de modulations.