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dodo ! l’enfant !

inconvenante de Barbe-Bleue et les pérégrinations du Petit Poucet.

Comme on se pelotonnait ! et comme on se serrait les uns à côté des autres ; lorsqu’elle disait, en nasillant :

— Ma grand’mère, pourquoi avez-vous de grandes dents ?

— C’est pour mieux vous manger, mes enfants ! reprenait la même voix un peu grossie ; et tout ce petit monde effrayé de se sauver et de s’éparpiller.

Le petit Chaperon Rouge était l’épouvantail infaillible qui nous dispersait tous, lorsque mère-grande voulait se recueillir.

Augusta, Joséphine, Alice se réfugiaient alors auprès de maman qui faisait le raccommodage du jour. Jules montait son superbe cheval de bois ; Arthur revêtant ses habits pontificaux taillés dans du beau papier doré, disait sa messe ; Émile écoutait les rons-rons du chat et demandait à mon père comment était faite cette étrange musique que roucoulait l’inoffensif matou ; Henri sonnait de la trompette, comme si les modestes murs de la maison eussent été les murailles de Jéricho. ; Napoléon, les doigts étendus devant la lampe, tâchait de façonner sur la tapisserie récalcitrante l’ombre du profil d’un lapin, et mère grande, joyeuse, libre et débarrassée de cette meute aboyante, se livrait alors au plaisir favori de la journée. Elle endormait le petit Charles.

Petit Charles était le Benjamin de ma mère. Trop grand pour son âge, maigre, souffreteux, en le voyant