Page:Faucher de Saint-Maurice - À la brunante - contes et récits, 1874.djvu/202

Cette page a été validée par deux contributeurs.

194
à la brunante.

— « Parfois, dit-il, le pêcheur qui s’est arrêté près du naufrage anglais assiste à des scènes merveilleuses ; une étrange vision se déroule sous ses yeux. Les eaux sont unies comme une glace, et le temps parfaitement calme. Tout-à-coup, la mer se soulève et s’agite au large ; les vagues se dressent comme des collines, se poursuivent, se brisent les unes contre les autres. Soudain, au-dessus de ces masses tourmentées, apparaît un léger vaisseau, portant toutes ses voiles dehors et luttant contre la rage des ondes bouillonnantes. Aussi rapide que l’hirondelle de mer, comme elle, il touche à peine les eaux. Sur la dunette, sur le gaillard, dans les haubans, partout, se dessinent des figures humaines, dont le costume antique et militaire convient à des soldats d’un autre siècle.

Le pied posé sur le beaupré, et prêt à s’élancer vers le rivage, un homme qui porte les insignes d’un officier supérieur, se tient dans l’attitude du commandement. De la main droite, il désigne au pilote le sombre cap qui grandit devant eux ; sur son bras gauche s’appuie, une femme drapée de longs voiles blancs.

— Le ciel est noir, le vent siffle dans les cordages, la mer gronde, le vaisseau vole comme un trait ; encore quelques secondes et il va se broyer contre les rochers. Derrière lui, une vague, une vague aux larges flancs se lève, s’arrondit et le porte vers le cap Désespoir !