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l’amiral du brouillard.

Il s’en va baiser au front sa blanche fiancée, et derrière lui voguent les vaisseaux surpris par la brume dans ces endroits désolés.

Sans que les matelots le sachent, il les entraîne à sa suite, — et chaque année, les nombreux et terribles naufragés de l’Île aux Œufs et de ses environs te montrent, Louison, que le triste cortège ne fait jamais défaut à celui qui, honteux de son entreprise sacrilège contre notre pays, n’aime plus à voguer maintenant que dans le silence et par les ténèbres.

Hubert Émond a fait sa rencontre dernièrement, et le pauvre garçon a eu toutes les peines du monde à s’en débarrasser : ce n’est qu’en faisant un vœu à la bonne Sainte-Anne du Nord qu’il a réussi.

Ah ! pourvu qu’il ne fasse pas de brume pour retourner à la goëlette.

Allons ! Louison, allonge-toi le cou dehors : la pluie a cessé ; inspecte le temps et siffle-moi ton air maintenant ; nous avons besoin de vent.

Tout est manqué pour cette fois, car j’ai négligé un détail important.

Ah ! si j’avais réussi à me procurer une main de gloire, ça ne serait ni le feu des Roussi, ni le pleurard de Gaspé, ni le braillard de la Madeleine, ni l’amiral du brouillard qui me feraient peur ; on passe partout avec cela, et la main de gloire ne connaît pas d’obstacles.