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l’amiral du brouillard.

On était alors en pleine guerre avec la France, et le Canada en supportait bien sa quote-part ; car les Bastonnais faisaient de leur pis pour se l’annexer. Heureusement que nous avions à notre tête un fier gouverneur du nom de Vaudreuil. Il n’était pas homme à s’en laisser imposer, et, sur son ordre nos arrière grands’pères prirent la peine de mettre de nouvelles mèches à leurs fusils, — c’était la capsule du temps, paraît-il, — et cela ne présageait rien de bon pour l’Anglais.

Tout marchait à ravir ; le ciel était gros de plaies et bosses, et chacun se frottait les mains croyant bien flanquer une bonne tripotée à l’autre.

Pendant ce temps-là, le navire du père Paradis boulinait toujours son brin de chemin, tant et si bien qu’une belle nuit il se trouva au milieu d’une flotte de quatre-vingts vaisseaux.

Le vieux marin se gratta l’oreille, arpenta fièvreusement son banc de quart, ajusta sa lunette, et fit ce que tu aurais fait en pareil cas, maître Louis ; mais il n’y avait pas à tortiller : le Neptune nageait au milieu de l’Anglais, et force lui fallut de baisser son pavillon.

On fit un bon feu dans les faux-ponts du pauvre navire canadien, et une demi heure après, le capitaine Paradis, tristement accoudé sur le bastingage anglais, regardait brûler sa petite fortune, pendant que sous lui louvoyait tranquillement l’Edgar, vaisseau amiral de 70 canons, commandé par le Walker