Page:Faucher de Saint-Maurice - À la brunante - contes et récits, 1874.djvu/173

Cette page a été validée par deux contributeurs.

165
mon ami jean.

C’était vrai cela, et une heure après sa confession, le délire le prit. Il me disait alors, en me prenant les mains :

— Monsieur le docteur, quand je serai mort vous me croiserez les mains sur la poitrine, après avoir eu soin de leur remettre mon chapelet béni par le Pape ; puis, vous déposerez au pied de mon lit deux cierges allumés, un crucifix au milieu, et une soucoupe pleine d’eau bénite où trempera une petite branche de sapin. C’est ainsi que cela se pratique pour les morts dans mon pays. Mon pays, c’est le Canada… Vous ne le connaissez pas, docteur ?… Mon pays ! ajouta-t-il après une longue pause… puis tournant avec effort vers la ruelle sa tête endolorie, je le vis qui sanglotait.

— Voyons, Jean, lui dis-je, inutile de faire l’enfant ; le docteur dit que ton cas n’est pas désespéré : d’autres sont revenus de plus loin.

Il ouvrit de grands yeux, comme s’il eût cherché à reconnaître cette voix ; puis, faisant un effort pour parler, il me dit d’une voix faible, en montrant sa poitrine amaigrie :

— Non, Henri, je sens que tout est fini ! la machine ne fonctionne plus, et je ne reverrai plus mon pays, ce beau Canada où j’ai connu et où j’ai aimé ma bonne Julie ! Julie ! oh ! mon Dieu, ayez pitié de moi ! Docteur, ne m’abandonnez pas !

Ses larmes reprirent leur chemin le long de ses joues pâlies, et je vis bien que cela était mieux de