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à la brunante.

Involontairement je songeai alors à ma Joséphine, et mes yeux se gonflèrent :

— Si elle eût vécu, me disais-je, il en aurait été ainsi !

Pourtant j’eus la force de me contenir, et je repris tranquillement :

— Mais elle t’aime, Jean, elle t’aime !

J’allais suffoquer.

Lui, le pauvre garçon, s’en aperçut et, me prenant par la main comme lorsque nous étions enfants, il me dit tristement :

— Voyons, Henri, il faut me pardonner ; je n’aurais pas dû parler de ces choses. Je suis fou de t’avoir fait mal comme ça.

À partir de ce soir-là, je fermai résolument les yeux pour ne pas voir ce que ces amoureux se chuchotaient entre eux.

Pothier était un excellent refuge : je m’y enfonçai à tête perdue, et pendant ce temps-là l’amour filait au-dessus de la tête calme et sereine de Jean les plus soyeux écheveaux de sa quenouille dorée.

Tout cela, je le savais : même je ne cessais d’y penser tout en griffonnant de la procédure ; mais je chassais au plus vite ces idées qui à chaque instant du jour venaient et revenaient me rougir les yeux.

Pourtant un jour, je les vis passer sous mes fenêtres. Jean était si heureux, Julie si souriante, que je ne pus m’empêcher de me trouver égoïste.