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à la brunante.

Martial Dubé m’est apparu sur la roche du vallon ; il m’a dit que tout était fini, et je n’ai que le temps de me préparer. Attelle au plus vite, Touchette ! et va chercher M. Duchesnau, notre curé.

Pierre se mit en route pendant que tout le monde pleurait, et que ma grand’tante ne savait plus où donner la tête.

Seul, au milieu de tout ce monde en sanglots, mon oncle conservait son sang-froid ; il donnait ses dernières instructions, écrivait quelques lettres à ses parents d’Écosse ; puis, quand le curé fut arrivé, ils s’enfermèrent tous deux, et Dieu seul sut ce qui se passa entre ces deux hommes. Seulement, lorsque l’abbé sortit, on m’a rapporté qu’il avait les yeux pleins de larmes, pendant que le front de mon grand oncle rayonnait d’une sérénité angélique.

Cependant le jour baissait ; c’était en octobre ; cinq heures allaient sonner, et le soleil part vers cette heure-là. Mon oncle fit rouler alors son grand fauteuil auprès de la fenêtre qui regarde l’île d’Orléans et les Laurentides ; il murmura quelque chose à l’oreille de sa femme ; puis, reposant sa main gauche dans celle de ma grand’tante, de l’autre il se prit à bénir ses enfants à genoux auprès de lui.

En ce moment le soleil plongea sous l’horizon, et mon oncle Fraser inclinant légèrement la tête, remit son esprit entre les mains du Créateur.

Depuis lors, chaque fois qu’un Fraser doit mourir le fantôme de la roche lui apparaît.