Page:Faucher de Saint-Maurice - À la brunante - contes et récits, 1874.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.

6
à la brunante

Alice se garda bien de répondre à ce billet. Il lui fallait de la réflexion, que sais-je moi ? enfin, tout ce bagage de prétextes, que trouve toujours une jolie femme lorsqu’elle ne veut pas se prononcer.

Édouard, lui, suivait un cours de patience. Il continua ses causeries d’après-midi, tout en évitant d’amener la conversation sur l’important chiffon de papier, et il en était récompensé par le mignon caquetage d’Alice qui ne s’était jamais montrée aussi rieuse et aussi spirituelle. Mais tout a une fin ici-bas ; et un beau soir de septembre qu’Alice était frileusement assise sous un des grands chênes qui entouraient la maisonnette, et s’occupait d’une merveilleuse broderie, Édouard lui glissa tout doucement à l’oreille sa question de l’autre jour.

D’abord, Alice feignit ne pas comprendre le mot amour ; mais poussée au pied du mur par Édouard, elle s’informa nonchalamment s’il avait sur lui son brouillon de lettre.

Une première lettre d’amour s’écrit toujours sur un brouillon.

Prenant entre ses doigts de fée son aiguille à broder, elle fit trois points presque imperceptibles sous un des mots du billet, et le remit à Édouard, pendant qu’une larme perlait sous ses longs cils.

Édouard était ému comme à son premier jour de bataille.

Son regard atterré venait de tomber sur le mot « non » et devant lui repassait toute l’humble et modeste existence qu’il avait rêvée dans sa patrie, et