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le fantôme de la roche.

— Tu fais bien, mon garçon, et ce ne sera pas moi qui t’en blâmerai ; je connais le commandement :

— « Père et mère tu honoreras afin de vivre longuement. »

— Oui, oui, je le connais, moi aussi, et je trouve que c’est beau comme commandement, mais comme promesse, ça ne vaut pas grand chose, car en somme la vie n’est pas drôle… Avez-vous des chemises de flanelle à vendre, capitaine ?

— Certainement, Martial, et des plus belles encore ; comment t’en faut-il ?

— Oh ! pas celles-là, M. Fraser, elles sont trop chères : décrochez-en de vos plus communes, et rien qu’une ; car je n’ai pas de moyens, et il me faut encore une paire de bottes sauvages, une ceinture de laine, un couteau avec sa gaîne, et dire qu’il va me falloir demander toutes ces choses-là à crédit !

— Comment à crédit ! mais tu dois bien savoir, Martial, que je n’en fais jamais ; j’ai même refusé d’ouvrir un compte pour le gros colporteur Larivière, qui vend de la marchandise jusqu’en bas de Saint-Jean Port-Joli.

— Je le sais, reprit tristement Martial mais pour moi, vous ne me refuserez pas, M. Fraser. Regardez, je suis si pauvre maintenant ; puis, tout le monde s’accorde à dire que l’hiver va être magnifique pour la pelleterie. Vous n’y regarderez pas de si près, monsieur, et vous n’empêcherez pas un malheureux de partir pour gagner honorablement quelques sous et