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le feu des roussi.

Marie était seule à préparer le souper auprès du poële rougi : Cyprien et Jean s’en étaient allés causer d’affaires à la maison occupée par les employés de MM. Robin.

Que se passa-t-il pendant cette triste absence ? Personne ne put le dire.

Seulement, lorsque Cyprien et son fils furent arrivés sur le seuil de leur demeure, ils entendirent des gémissements plaintifs. Ils se précipitèrent dans la cuisine, et le pied du malheureux père heurta le corps de sa pauvre femme, qui gisait sur le plancher au milieu d’une mare d’eau bouillante. À ses côtés, une bouilloire entr’ouverte, n’indiquait que trop comment ce malheur navrant était arrivé.

Pendant deux heures, Marie eut le triste courage de vivre ainsi ; elle offrait à Dieu ses indicibles souffrances, en échange de cette absolution qu’elle savait ne pouvoir obtenir sur terre ; car on était alors en 1801, et la côte était desservie par un pieux missionnaire qui restait à une trop grande distance de Paspébiac.

Agenouillés auprès de ce calvaire de douleur, Cyprien et Jean pleuraient à chaudes larmes. Déjà ce calme poignant qui se glisse sous les couvertures du moribond, était venu présager l’agonie, et Marie, les yeux demi-fermés, semblait reposer, lorsque tout-à-coup elle les ouvrit démesurément grands. Cyprien vit qu’elle baissait : elle se leva pour se pencher sur elle ; mais la main de la pauvre endolorie s’agita