Page:Faucher de Saint-Maurice - À la brunante - contes et récits, 1874.djvu/115

Cette page a été validée par deux contributeurs.

107
le feu des roussi.

cet argent que le travail honnête ne peut réunir que par parcelles.

J’ai coudoyé des hommes respectables et réputés très-honorables, qui, la bonhomie sur le visage, le sourire de la vertu sur les lèvres, s’en allaient porter à l’orgie et au vice le salaire que la famille réclamait piteusement.

J’ai vu monter chez moi des femmes couvertes de soie et de dentelles fines, pendant que leurs enfants, au bras d’une servante, croupissaient dans l’ignorance.

J’ai vu déchirer à belles dents des réputations, par de saints marguilliers qui, pieusement et sans remords, ronflaient dans le banc-d’œuvre.

J’ai vu bien des beaux esprits se paralyser au contact de leur verre plein.

J’ai vu des jeunes gens bien élevés, employer leur intelligence à faire franchir le seuil de la débauche à de pauvres enfants, qui jusque-là n’avaient eu d’autre chagrin que celui qu’apporte la rareté du pain quotidien.

J’ai vu… mais à quoi sert de vous parler de toutes ces choses, Cyprien ? Vous les savez mieux que moi, car si Québec regorge de ces horreurs, Sainte-Anne renferme bien aussi quelqu’un qui peut marcher sur leurs brisées, et ce que les autres font en plein soleil et sous des dehors de grand seigneur, vous le faites ici sans façon et à la débraillée. Ah ! Cyprien, ce n’est pas pour vous faire de la peine que je dis ces choses-là ; mais il est pénible de vous voir, vous, fils