Page:Faucher de Saint-Maurice - À la brunante - contes et récits, 1874.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.

100
à la brunante.

et bombée ; tout était taillé chez Cyprien Roussi pour le pousser à une vieillesse de cent ans.

Lui-même, quand on lui parlait de rhumatismes, de maladies mystérieuses, de morts subites, et des peines de l’enfer, il se frappait l’estomac de son poing velu, et disait en ricanant :

— Est-ce qu’on craint le froid, la maladie, la vieillesse, le diable, avec un pareil coffre ? Là dessus le chaud et le froid passent sans laisser de traces. Cessez vos psalmodies, mes doux amis, et gémissez sur le compte d’autrui ; car en me voyant naître, la bonne Sainte-Anne a dit à son mari :

— Tiens, je vois poindre là-bas un gaillard qui pendant la vie s’économisera bien des vœux.

Alors, tout le monde se signait ; on le recommandait aux prières des fidèles, et les bonnes gens de l’endroit égrenaient le chapelet pour lui, et écoutaient dévotement les vêpres, pendant qu’en joyeuse compagnie, le petit Cyprien jurait haut et buvait sec dans les bois qui foisonnent autour de la Grande-Rivière.

Là, pelotonné à l’ombre, tout le village passait devant ses yeux, sans pouvoir trouver grâce.

Les vieilles avaient la langue trop affilée ; ce qui était un peu vrai :

Les jeunes voulaient enjôler les garçons par des charmes d’importation anglaise, et par des vertus tout aussi artificielles :