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le feu des roussi.

Pierriche récolte le dimanche. Parfois, il me prend des envies de la saigner ; il me semble qu’il doit y avoir quelque chose de louche là-dessous.

— Mais, saignez-la, Angélique ; saignez-la, interrompit la veuve Demers. Qui sait ? en la piquant du bout d’un couteau, peut-être délivrerez-vous un pauvre loup-garou ; car, pour finir leur temps de peine, il faut de toute nécessité qu’un chrétien leur tire une goutte de sang ; ce sont les anciens qui le disent.

— Ah ! bien, ça n’est pas moi qui saignerai Cyprien Roussi ; j’aurais trop peur de toucher à sa peau d’athée !

C’était la petite Victorine qui hasardait cette timide observation, et peut-être se préparait-elle à en dire plus long sur le compte de Cyprien, lorsqu’on entendit une voix avinée qui venait du chemin du roi.

Elle chantait :

On dit que je suis fier,
Ivrogne et paresseux.
Du vin dans ma bouteille,
J’en ai ben quand je veux.[1]


— Tiens ! voilà le gueux qui passe, murmura modestement la charitable Angélique, en marmottant quelques douces paroles entre ses dents.

  1. La plupart de ces fragments sont tirés des « Chansons populaires du Canada, recueillies et publiées avec annotations par M. Ernest Gagnon. » Ce livre, qui se fait rare, est précieux à plus d’un titre pour celui qui veut se rendre compte des origines de notre poésie et de notre littérature populaire.