Page:Faucher de Saint-Maurice - À la brunante - contes et récits, 1874.djvu/104

Cette page a été validée par deux contributeurs.

96
à la brunante.

triste cas se transformaient en loups-garous, les commères du village de la bonne Sainte Anne du Nord s’en donnaient à cœur-joie sur le compte du malheureux.

— Rira bien qui rira le dernier, disait dévotement la veuve Demers. Quand il sera obligé de courir les clos, et cela pendant des nuits entières, sans pouvoir se reposer, il aura le temps de songer aux remords que laissent toujours les fêtes et les impiétés.

— Courir les clos ! ça c’est trop sûr pour lui, reprenait non moins pieusement mademoiselle Angélique Dessaint, vieille fille de quarante-huit ans ; mais peut-on savoir au moins ce qu’il deviendra, ce pauvre Cyprien ? J’ai ouï dire qu’un loup-garou pouvait être ours, chatte, chien, cheval, bœuf, crapaud. Ça dépend, paraît-il, de l’esprit malin qui lui est passé par le corps ; et, tenez, si vous me promettiez de ne pas souffler mot, je dirais bien quelque chose, moi…

— Ah ! jour de Dieu, bavarder ! jamais de la vie, affirma hardiment la mère Gariépy, qui tricotait dans son coin. C’est bon pour la femme du marchand, qui est riche et n’a que cela à faire. Parlez, parlez toujours, mademoiselle Angélique.

— Eh ! bien, puisque vous le voulez, je vous avouerai que j’ai dans mon poulailler une petite poule noire qui me donne bien du fil à retordre. Elle ne se juche jamais avec les autres, caquète rarement et ne pondrait pas pour tout le blé que le bonhomme