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à la brunante

le chaud baiser de la brise d’été, elle ressemblait à s’y méprendre à ces figures toutes dorées d’illusions et de jeunesse, qui voltigent et repassent souvent à ces heures de mélancolie, que nous ont laissées Obermann et Réné. Aussi, dans un moment de rêverie, avait-elle eu un vague soupçon qu’elle devait être jolie, et depuis ce jour-là, presque sans s’en apercevoir, elle s’était formé un petit sanctuaire d’adorateurs dont elle était la déesse. Mais Alice, qui traitait un peu les choses sérieuses, comme le bas de sa robe traitait les fleurs des prés, faisait autant d’heureux qu’elle avait de courtisans, et cela était dû à une chose bien simple, que je puis vous dire confidentiellement.

Alice était coquette jusque dans le bout de son petit doigt de nacre.

Édouard avait vingt-et-un ans, quelques lambeaux d’enthousiasme, un amour profond pour tout ce qui est grand, noble et bon, et pour tout patrimoine, quelques mauvais vers qui comptaient depuis longtemps parmi ses péchés de jeunesse.

Comme ceux de son âge, il avait cru bien naïvement, au sortir du collège, qu’il lui suffisait de posséder du talent et de l’énergie pour avoir, comme ses camarades, sa part de pain et de soleil sur le sol natal ; mais cette croyance s’était bien vite évanouie au contact de l’égoïsme et de la méchanceté, puis un beau jour, le cœur malade et mourant, il était parti pour l’étranger,