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VANA-PARVA.

» Jadis, assure-t-on, Sourabhî, la mère de la race bovine se présenta, versant des larmes, dans le Tripishtapa, et toucha de compassion pour elle le monarque des Dieux.

» Pourquoi répands-tu ces pleurs, noble quadrupède ? lui dit Indra. Est-il arrivé un malheur aux habitants du ciel ? Tu ne pleures pas sans doute pour un léger accident au milieu des hommes et des Nâgas ? » 329-330.

« On ne voit nulle part un malheur, qui soit tombé sur toi, monarque des Dieux, répondit Soubarhî. C’est mon fils qui m’afflige, Kaâuçika, et c’est pour lui que je verse des larmes. 331.

» Vois cet abject laboureur, qui frappe à coups d’aiguillon mon fils, à qui manque la force, accablé sous le poids de la charrue, triste, battu, s’affaissant sur la terre. J’en suis pénétrée de compassion, roi des Dieux, et mon âme en est troublée. 332-333.

» Un autre ici, doué de vigueur, porte une charge plus grande que sa force ; là, haletant, épuisé, maigre, le cou tendu, celui-là traîne avec peine son fardeau. Je plains ce malheureux, fils de Vasou ! Maltraité, déchiré mainte et mainte fois par l’aiguillon, vois ! il n’a plus la force de voiturer ce faix pesant ! Voilà pourquoi je gémis, profondément affligée, saisie de pitié, consumée de chagrin, et noyant mes yeux de larmes. » 334-335-336.

« Tu as des milliers de fils, qui sont dans l’oppression, ma belle, reprit Indra. Pourquoi cette plainte ici, dans un seul endroit, où pâtit un seul de tes fils ? » 337.

« Si j’ai partout des milliers de fils, j’ai pour tous un égal amour, lui répondit Sourabhî ; mais la pitié, Çakra, est plus grande pour un fils, quand on en voit l’infortune. » 338.