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« Les serpents, qui mordent les enfants de Manou, brahme, répondit l’amphisbène, sont autres que nous sommes. Tu ne dois pas tuer les amphisbènes pour cela seul qu’ils ont un air de serpents. 986.

» Ne veuille pas, toi, qui sais la justice, faire du mal aux amphisbènes, qui ont les plaisirs à part des serpents et les peines en commun avec eux ; à nous, qui avons une utilité particulière et que tu confonds avec eux dans une idée commune d’inutilité. » 987.

Alors qu’il eut ouï ces paroles du serpent, ajouta le Soûtide, Rourou cessa de le frapper ; et, comme il le vit tout effrayé, l’auguste anachorète dit à l’amphisbène ces mots pour le rassurer : « Bien, serpent ! Dis-moi qui tu étais avant de subir cette métamorphose. » 988-989.

« Naguère j’étais, Rourou, un rishi nommé Sahasrapâd, répondit l’amphisbène, et je suis devenu serpent par la malédiction d’un brahme. » 990.

« Pourquoi ce brahme en colère t’avait-il maudit, ô le meilleur des serpents, reprit l’anachorète ; et depuis quel temps es-tu renfermé dans ce corps ? » 991.

« Jadis, reprit l’amphisbène, j’avais pour ami un brahme, appelé Khagama : sa parole était sage ; il était d’une puissance, qu’il devait à ses mortifications. 992.

» Un jour de mon adolescence, qu’il était appliqué à nourrir le feu perpétuel, je lui causai une peur avec un serpent d’herbe, que je m’étais fais pour rire. Épouvanté à sa vue, Khagama s’évanouit. 993.

» Quand il eut recouvré sa connaissance, l’ascète, riche en pénitences, ferme dans ses vœux et de qui la parole était l’expression de la vérité, me dit, tout brûlant de colère : 994.