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puisque je les ai communiqueés sans façon à ceux que j’ai connu capables de les entendre. Il me suffira si les Graces de la Verité leur demeurent. Avoueraisje que je ne me serois point porté à rendre presentement cette Theorie publique, si je ne m’etois senti pressé par des provocations, qui devoient me paroitre assez injustes.

On veut me disputer, sans me connoitre, le peu de Pretension, que je pourrois avoir, à étre conté parmi les Geometres, à qui la nouvelle et la belle Geometrie n’est pas entierement inconnue. Et avec une Autorité, à la quelle j’aurois crû me pouvoir soustraire, on me demende des preuves, de nouvelles preuves, qui fassent voir, de quoi je suis capable.

Voici, je ne dirai pas tout ce que je pourrois donner le meilleur, car sans parler de ce qui me reste encore, je reconnois, dans les esprits des Hommes, un Pouvoir, qui n’a point de Bornes, d’aller toujours plus loin, dans la connoissance et dans la recherche de toutes sortes de Veritez. Mais seulement une partie que j’ai actuellement fait irréprochables. Et cependant apres avoir retranché la Theorie de la Pesanteur des autres Fruits de mes Etudes, à peine m’appercois-je qu’il y ait quelque Diminution.

Ce qui me determine à publier plutôt cette Theorie que d’autres Meditations, c’est que la Cause Mechanique de la Pesanteur donne vraisemblement la premiére entrée à la connoissance de la nature, et qu’elle avoit echappé, jusques à nos jours aux Recherches continuelles des Philosophes et des Mathematiciens. Comme jai supprimé cet Ecrit, pendant plusieurs Années, je ne puis m’empecher de dire que je n’ecouterai plus aucune Provocation, que l’on pourroit me faire ; ne reconnoissant point d’Autorité entre les Geometres qui puisse asservir un Esprit libre à d’autres Etudes, ou à d’autres occupations qu’a celles, qu’il lui plaira de choisir. Et voiant encore moins en vertu de quoi l’on pretendroit contraindre ceux, qui se sont appliquez à des Méditations utiles, de les publier, sous peine d’étre declarez incapables de les avoir faites. Aprez tout je plains beaucoup les Geometres, qui ne connoissent pas des Etudes infiniment plus excellentes et plus etendues et plus utiles, que celles de Geometrie.

Dans cette même vüe, je ne recevrai pas absolument aucunes objections, que l’on voudroit faire, contre la Theorie precedente. J’estime trop le prix du repos et de la retraite avec la liberté du choix de mes occupations pour m’embarquer à defendre ce que je ne rens public, qu’avec assez de repugnance. Car je sçai bien que les Prejugez de ceux, qui croient connoitre la nature, sans l’avoir assez etudiée, seront generalement contre moi : Si c’est par ces Prejugez que l’on pretendroit me combattre, je me reconnois des à present vaincu.

Je sçai bien combien il y a reussi à l’Illustre Monsieur Newton, d’avoir ecrit son admirable liure, des Principes de la Philosophie, d’une maniere, qui le fait d’abord tomber des Mains de ceux, qui ne sont pas consommez, dans l’Etude de la Geometrie et de la Physique. On ne sera pas surpris que refusant