Page:Fatio de Duillier - De la cause de la pesanteur.djvu/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

determiner ce qui arriveroit, si l’on exagitoit extrement cette Matiere : parce que l’Agitation et les Mouvemens entremêlez étant à mon sens impossibles, dans une Densité et dans une Solidité parfaite, je craindrois que l’absurdité de cette suposition n’influent les consequences qu’on n’en pourroit tirer. Mais il paroit au moins, par ce qui precede, que les Mouvemens entremêlez de Matiere sont un mauvais secret, pour en diminuer la Resistence. La quelle augmentant toujours et sans aucunes bornes, avec ces Mouvemens entremêlez et avec la Densité, à mesure que l’Espace se remplit, il n’y a pas lieu de s’imaginer que dans l’instant, qu’il acheve de se remplir, toute cette Resistence se puisse evanouir, comme en un Moment. Au contraire ceux qui sont accoutumez à la Geometrie, et aux Methodes des Exhaustions, verront bien, que si le reste de ma Demonstration à lieu, c’est alors sur tout que la Resistence doit etre la plus grande.

Il ne reste aux Cartesiens, pour éviter la Force de ce Raisonnement, que d’assurer comme ils font, qu’il y a une Matiere qui resiste au Mouvement, et une autre Matiere qui n’y resiste point ; mais qui s’accommode, avec une infinie facilité, à toutes les Irregularitez des surfaces des Particules et des Pores des Corps. Or j’avoue aussi qu’il y a une Etendue, revêtu de la Proprieté de resister, et une autre Etendue qui ne resiste point au Mouvement. Si nous convenons dans l’Idee principale, qu’on me laisse la Liberté d’appeler, avec le reste du Monde, ce que je me represente par la premiere de ces Idées, Corps ; et ce que je me represente par la seconde, Vuide ou Espace. Puis qu’il est evident que ces Idées sont distinctes, elles peuvent bien avoir des Noms differens. Mais il ne seroit pas aisé de comprendre comment, observant, dans toutes les Matieres, que nous connoissons, une Force palpable de resister ; qui en effet n’est point differente de la Force, par la quelle la Matiere agit, quand elle est en Mouvemlë et qui ne s’evanouit jamais, ai par le Mouvement, ni par la Division. Il y pourroit neanmoins avoir une Matiere, ou cette Proprieté disparut entierement. Les Proprietez essentielles de toutes sortes de Matieres, sont celles que nous observons, dans toutes les Matieres qui nous sont connues. Et sur quel fondement irons nous imaginer une Matiere depouillée de ces Proprietez et entierement inutile dans l’Univers ? c’est à dire une Matiere sans Action, sans Force et sans Ptesistence, dont les dernieres Parties soient essentiellement molles, de sorte qu’elles s’ajustent non obstant les Mouvemens les plus rapides, jusques à se toucher mutuellement et sans relâche, par toute l’Etendue de leurs surfaces.

Que s’il y a une Matiere essentiellement molle, comment est-il possible qu’il y ait quelque Matiere, qui n’ait pas la même Proprieté ? Mais il est evident par la Dureté que nous trouvons en certains Corps, et par la Resistence même des Corps fluides, qu’il y a de la Matiere qui n’est pas essentiellement molle. En un mot, si nous sommes contraints d’admettre deux Matieres absolument, differentes, d’ont l’une, scavoir la Molle ou la Fluide, n’ait aucun pouvoir sur l’autre, savoir sur le Solide non pas meme le Pouvoir de lui resister, ni par