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d’Infinis, disposez par Ordre en commençant par les moins grands, et qui soient tous successivement infiniment plus grands les uns que les autres. C’est à dire que le Second Infini, sera infiniment plus grand que le premier ; le troisieme infiniment plus grand que le Scond ; le quatrième infiniment plus grand que le troisieme, et ainsi à l’Infini. Et je fais voir comment ces Infinis peuvent étre choisis et rangez de maniere qu’ils ne se touchent, ni se rencontrent nulle part.

Pour ce qui regarde la Demonstration qu’il se forme une Pesanteur, autour de tous les Corps grossiers, et que cette Pesanteur est reciproquement comme le Quarré de la Distance, elle est extremement generale, et je démontre la Verité de cette Proposition, lors même qu’on suppose que les Particules des Matieres, qui causent la Pesanteur, varient entre elles, soit pour leurs Figures, leurs Vitesses, leurs Grandeurs, leurs Mouvemens circulaires sur leurs centres, leur Ressort et la Maniere dont elles s’appliquent aux Corps, quand elles font leur Chocs. Comme je pretens que ma Demonstration doive principalement subsister, quand on ne suppose pas un Ressort absolument parfait, dans les Corps qui sont parfaitement durs ; et comme toutes les fois que de tels Corps se rencontrent, ils doivent perdre de leurs Mouvemens ; on peut craindre que ces Mouvemens mêmes ne viennent enfin à languir, dans la Matiere qui cause la Pesanteur ; ce qui feroit aussi rallentir insensiblement ceux de toutes les autres Matieres. Mais outre qu’il n’est pas trop sûr, que le Mouvement, qui est dans le Monde, ne diminue de quelque chose, comme d’un autre Côté, il y a des cas trez simples, et peut étre tres Ordinaires, dans les quels il augmente, et dont l’Auteur de la Nature peut vraisemblablement se servir pour recompenser, ou en tout, ou au moins en partie, la Perte, qui se pourroit faire d’ailleurs du Mouvement ; je fais encore voir, que le Mouvement de la Matiere, qui cause la Pesanteur se rallentira si peu que l’on voudra, quoique l’on conserve la même Force de Pesanteur ; pourvû qu’on diminue autant qu’il est nécessaire, la Quantité de Matiere qu’il y a dans l’Univers, et le Nombre des petis Corps parfaitement durs qui produisent la Pesanteur, et qu’on augmente en même Tems, s’il le faut leur Vitesse. Car en diminuant ainsi le Nombre de ces Corps durs qui sont dêja comme infiniment petis, bien qu’il faille augmenter leur Vitesse, en diminuant en même Tems et à propos la Quantité de la Matiere, on diminue beaucoup la facilité, que les Corps durs ont de se rencontrer les uns les autres, de la quelle seule resulte le danger que leur Mouvement ne se perde : et ai force de la diminuer, on la peut reduire presque à rien. Voilà dans cette réponse, encore une nouvelle Raison, pour supposer le Monde presque Vuide de Matiere. En effet, à moins qu’on ne pense quela Dureté parfaite ne soit toujours accompagnée d’un Ressort absolument parfait, à quoi quelques Personnes trez éclairées ne trouvent pas une entiere vraisemblance, plus on supposera le Monde rempli de Matiere, et plutot le Mouvement qui s’y trouve, se rallentira et se diminuera sensiblement.