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dernier. Enfin si on joint de Ressort presque infiniment parfait avec la parfaite Dureté: en ce Cas ces Parties continueront bien deformer des Amas, mais avec beaucoup moins de force. Dans ces suppositions, il me semble que le Monde s’entretiendra facilement dans l’Etât ou il est: et même que si l’Auteur de cette Nature dissipoit tous les Corps, en leurs petites Parties, et leurs donnoit des Mouvemens trez rapides, en tous sens, il se feroit ça et là, par une suite Mechanique des Globes composez de Particules grossieres, principalement de celles qui sont dures ou plutôt de celles qui ont moins de Ressort: les quels Globes pourroient avoir divers Mouvemens entre eux, et s’attirer les uns les autres, comme font les Planetes, dont la Composition marque, plus immediatement, l’Ouvrier, qui les à formez; outre que l’Existence même et les Mouvemens, de ces differentes Matieres, ne se peuvent rapporter qu’a lui.

Et comme je fais voir qu’il est trez possible et par Consequent assez vraisemblable, qu’une fort Petite Quantité de Matiere puisse produire tous les efets de la Pesanteur; je prouve de meme qu’il se peut faire que la Matiere entierement solide, qui occupe nôtre Systeme, ne remplisse neanmoins qu’une partie extraordinairement petite de son étendue: les Corps les plus solides pouvant n’étre qu’un tissu fort rare, qui puisse bien exclure les Raions de la Lumiere, tandis qu’il se laisse traverser, par les Matieres plus deliées, avec une extrême facilité.

Au reste, j’ai cet avantage, en proposant mes pensées, que je ne puis craindre, les Objections que de trez peu de Personnes; et ce sont apparemment ceux dont je recevrais le moins: je veux dire les savans, qui sont en même Tems trez Excellens Mathematiciens et trez bons Philosophes: tels sont, par exemple Mr. Hugens, Mr. Newton et un petit Nombre d’autres. Pour ce qui regarde les Mathematiciens qui n’ont jamais appliqué leurs connoissances, à la Philosophie Naturelle, mais sur tout pour ce qui regarde les Philosophes, qui n’entendent pas les Mathematiques, Je ne les considere pas comme mes Juges.

Je crois avoir, dans ce que je suppose, pour rendre raison de la Pesanteur, un Principe fort general et fort étendu, et qui pourroit conduire bien loin dans la Recherche des causes de tant d’Efets naturels, et en même Tems si admirables. C’est à cette premiere connoissance que je voudrois que l’on comparat les differens Phenoménes, qui ont eté observez dans la Nature. Je m’imagine par exemple, que la Lumiere ne peut étre expliquée de la Maniere que Mr. Hugens a essaié de le faire, à moins de supposer que les particules qui nous la transmettent, ne soient d’un Tissus — tout à fait rare: ce qui ne s’éloignera pas de la Pensée de cet Illustré Philosophe: mais il n’y a point d’autre Objection à faire, contre ceux qui supposent que les Parties de la Lumiere viennent directement du Soleil à Nous, si non qu’il faudroit qu’elles se mussent, à peu prez 600000 fois plus vite que le son, il me paroit que la Fausseté de leur Opinion n’est pas suffisemment demontrée; puisque si on suppose le Monde presque vuide, et comme je fais, on ne sent aucune Difficulté à concevoir les