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une rude journée.

— Du rôti !… répéta joyeusement Charlot en avançant la main vers sa ration.

— Oui, du rôti de hareng saur, ce qu’il y a de plus savoureux dans la cuisine française.

— C’est très-bon ! s’écria Mimile en attaquant son poisson par la queue.

— C’est excellent ! ajouta Charlot en emportant le sien, étendu tout de son long sur une épaisse tranche de pain blanc.

— Dites donc, les mousses, si par hasard le festin vous altère, vous savez que la rivière n’est pas loin.

— Nous le savons, chauffeur, » répondit gaiement Mimile.

Le premier mouvement de Charlot avait été d’envoyer son rôti par-dessus le bord ; il ne s’était arrêté qu’en voyant le regard du chauffeur fixé sur lui d’un air gouailleur.

Mimile dit vivement à son compagnon, dès qu’il se retrouva seul avec lui :

« Charlot, pas de bêtises ! il ne faut pas jeter ton déjeuner, et d’ailleurs il faut nous habituer à manger de tout. Tu comprends, en voyage… Je crois que je m’y ferai, moi, au hareng.

— Eh bien, moi aussi je m’y ferai, » dit courageusement Charlot. Puis, une heureuse idée lui venant tout à coup, il posa son hareng saur sur le bord du bateau, divisa son pain en deux tartines, plaça son rôti au milieu, et put de cette façon avaler ce sandwich au hareng saur sans trop de répugnance.

« Ce n’est pas bête, ça, lui dit Mimile pour l’encourager.