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un drôle de voyage

sabords ! Piochez ferme ! ou gare les coups !… On n’a droit de s’arrêter que pour manger et dormir. »

Mimile et Charlot se hâtèrent de reprendre leur besogne, après avoir échangé un regard où se peignait leur déconvenue.

« À la bonne heure ! » reprit le chauffeur.

Le bateau filait droit son chemin, se croisant de temps en temps avec de lourds chalands qui descendaient le fleuve. Quel fleuve ? Nous ne saurions le dire au juste ; ce devait être la Seine, mais nous ne pourrions l’affirmer. Ce que nous savons, c’est que ce fleuve était coupé par des ponts en ruine et que des ponts de bateaux, destinés à les suppléer, s’ouvraient de temps en temps pour livrer passage à la navigation.

La guerre devait avoir passé par là. Le patron du bâtiment qui emportait à grand train nos petits amis, rejoignit en ce moment le chauffeur, et ils s’entretinrent longtemps à voix basse. Leur attitude avait quelque chose de mystérieux, et ils semblaient très-préoccupés.

Charlot, qui n’osait trop les observer qu’entre deux coups de marteau, était très-inquiet.

« Bah ! dit tout à coup le patron en s’éloignant du chauffeur, s’ils viennent, nous les recevrons ; l’important est de préparer nos armes. »

Cette dernière phrase, que Charlot avait entendue très-distinctement, ne fut pas sans augmenter ses alarmes ; il aurait voulu en conférer avec Mimile, mais Mimile travaillait dans son coin.

L’air du matin, aussi bien que le travail, avait creusé l’estomac des deux cousins, et ils se demandaient tout