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UN DRÔLE DE VOYAGE

— Ils me prendraient donc pour un menteur ?

— Oui, dit Mimile, et tu te fâcherais, et tu aurais des disputes, et cela ferait des batailles, et les batailles amèneraient des punitions, des retenues et le reste.

— C’est tout de même bien désagréable, dit Charlot, d’avoir eu tant de peine à faire notre grand voyage et de ne pas pouvoir le raconter ? M. Verne raconte bien tous les voyages qu’il a faits, lui !

— Il ne les raconte pas précisément, répondit Mimile ; il ne les dit pas aux personnes, il les écrit, et c’est M. Hetzel qui les livre au public. M. Verne n’en est peut-être pas si content.

— Écoute, dit Charlot, si tu veux, nous l’écrirons, notre voyage, et un éditeur en fera un livre ; moi, j’en serais très-content.

— C’est ça, dit Mimile, mais en attendant, taisons-nous ; car enfin, si nous apercevions un jour que nous nous sommes peut-être trompés de chemin, et que ce n’est pas en Amérique que nous avons été ?… »

Charlot, à ce mot, tomba dans de profondes réflexions.

À l’heure qu’il est, Charlot a vingt ans. Il sait à quoi s’en tenir sur son voyage en Amérique. Nos lecteurs l’ont vu, je l’espère, avant lui. Il me suffira de dire que les premiers doutes qui vinrent à Charlot eurent pour cause deux faits qui, pour n’avoir rien de bien merveilleux, lui causèrent une surprise extrême.

Dans une grande promenade qu’il fit en voiture dans la forêt de Fontainebleau, il crut reconnaître beaucoup d’endroits pareils, en tout, à ceux qu’il avait vus en Amérique ; mais on allait si vite qu’il n’eut pas le