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de surprise en surprise.

mort ne serait-elle pas plus terrible encore que la mort par le feu ou par la fumée ?

Les dix minutes ne s’étaient pas passées, que les Nez-Rouges envoyés au bois par le grand chef revenaient avec leurs fagots. Ils élevèrent tout autour du rocher une enceinte de fascines si haute qu’elle atteignait presque les parapets du fortin.

Ce qu’il y avait de pis, c’est que ces êtres féroces accomplissaient ce travail en l’accompagnant de ricanements et de lazzis à l’adresse de leurs victimes.

Il faut le dire à la louange des assiégés, ils furent assez dignes pour ne pas même essayer d’y répondre. Mimile seul eut un mouvement d’impatience que nous n’aurons pas le courage de lui reprocher. Pendant les funestes préparatifs, le grand chef des Nez-Rouges, comme s’il eût assisté à l’œuvre la plus simple, s’était insolemment couché sur le gazon, et après avoir ordonné qu’on le réveillât quand tout serait prêt, parce qu’il tenait à mettre de ses mains le feu à ce bûcher de son invention, il s’était endormi sur le dos.

La tranquillité de son sommeil agaçait extraordinairement les nerfs de Mimile. Avec ses bons yeux, il remarqua que cet être immonde dormait la bouche toute grande ouverte. La double rangée de ses grandes dents blanches luisait même au soleil. Pour comble, le ronflement sonore qui sortait de la vaste poitrine ou des vastes narines du bandit montait jusqu’à lui. Il n’y tint pas. Une pierre ronde comme un galet, de la grosseur d’une bille de billard, se trouvait sous sa main. Il la lança à toute volée sur la tête du dormeur, et telle avait été la précision