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UN DRÔLE DE VOYAGE

plateau ; le grand arbre en était garni au delà de tout ce qu’on eût pu croire possible. Les branches pliaient et craquaient sous le poids de ces grappes humaines. Pour deux qui tombaient sous les coups des guerriers en faction, trois remontaient. Cependant il en tomba tant, qui arrivaient à terre dans un état pitoyable, avec beaucoup de nez cassés, des yeux pochés, des mâchoires ou des bras en capilotade, que le chef des Nez-Rouges ordonna de suspendre cet inutile assaut. Il sentait le besoin d’assembler son conseil.

Charlot, qui avait été placé en vedette, avertit le premier les gens du plateau de cette nouvelle attitude de l’ennemi.

On voyait les Nez-Rouges, leur chef au milieu d’eux, pérorer avec une extrême volubilité. Chacun parlait à son tour, et s’ils n’avaient pas tous parlé si vite, on aurait presque pu entendre ce que les orateurs disaient.

Quand tous ceux qui avaient le droit d’exprimer un avis, dont le fond était toujours qu’il ne fallait pas qu’un seul Vilain-Museau survécût à cette journée, eurent cessé de parler, le grand chef prit à son tour la parole ; comme il avait naturellement, en sa qualité de chef, la voix plus forte que ses sujets, on ne perdit pas un mot de son discours.

« Sur un point, dit-il, tous les illustres orateurs que vous venez d’entendre ont raison, et sur ce point je suis d’accord avec eux. Oui, il faut en finir avec les Vilains-Museaux ; pas un seul ne doit survivre à cette journée ; elle doit être la dernière de cette race, de cette engeance