Page:Fath — Un drôle de voyage, 1878.pdf/268

Cette page a été validée par deux contributeurs.
222
UN DRÔLE DE VOYAGE

Dès que le grand chef se fut éloigné, nos trois amis se regardèrent pendant quelques instants en silence ; ils étaient naturellement fort perplexes.

Charlot reprit le premier parole.

« Si nous retournions sur nos pas, après avoir jeté l’os du grand chef ? dit-il.

— On nous empêcherait de passer, répondit Giboulot.

— Et si nous allions plus loin ?

— Ce serait la même chose ; les Nez-Rouges, qui s’attendent à être attaqués par les Vilains-Museaux, ont dû placer des sentinelles sur tous les chemins qui aboutissent à la tribu.

— Le plus sage, dit Mimile, est de faire nos efforts pour nous habituer ici ; qui sait si nous ne serions pas encore plus malheureux ailleurs ? Un peu plus tôt, un peu plus tard, il faut toujours et partout faire son service militaire.

— Le métier des armes est le plus noble métier, dit Giboulot.

— Nous ferons comme les autres, ajouta Mimile, et quand la guerre sera finie, nous irons en pleine forêt manger ces gros fruits dont nous a parlé Harrisson, et nous tuerons des lions le reste de la journée.

— Oh ! Harrisson est un menteur, je le vois maintenant, car il ne m’a jamais dit qu’on mangeait les blancs en Amérique, répliqua Charlot.

— S’il ne t’a pas tout dit, c’était sans doute pour te laisser le plaisir de quelques surprises.

— C’est évident, dit Giboulot ; mais il ne s’agit pas de Harrisson, il faut aller nous faire inscrire à l’hôtel de ville.