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UN DRÔLE DE VOYAGE

« Du sang-froid, ou nous sommes perdus ! Nous sommes des Nez-Rouges comme ceux qui arrivent, ne va pas t’aviser de l’oublier.

« Nous aurons du sang-froid, » dit Mimile.

La trombe musicale s’accentuait de plus en plus.

Charlot eut besoin d’une tape de l’ex-gardeur d’oies pour ne pas perdre la tête.

« Ça va être très-gai de voir toute cette sauvagerie-là, dit Mimile en se frottant les mains.

— Attention !… Ayez soin d’imiter tous mes gestes, dit Giboulot.

Au même instant, la porte de la cabane fut enfoncée plutôt qu’ouverte par un furieux coup de poing.

Le chef de la tribu des Nez-Rouges (car c’était lui) parut sur le seuil.

Son escorte musicale attendait respectueusement à quelques pas derrière lui.

Cet important personnage était, avant tout, un gaillard de première force. Son nez long, gros, très-gros, d’un rouge brillant, avait l’air d’être en sentinelle perdue au milieu de son visage, lequel était ombragé par un immense bonnet entouré de plumes de coq. Les deux tiers de son corps se dissimulaient sous une peau de tigre ; ses jambes et ses bras, badigeonnés de jaune-vert, étaient comme le corps d’un chimpanzé. Mais le plus étrange, à coup sûr, était sa cravate faite d’une peau de serpent dont la tête, ornée d’un dard fourchu, ballottait par derrière sur ses épaules, comme un grand cache-nez. Nous allions oublier de mentionner un gros os bleu qui, retenu à son cou par une ficelle, lui pendait sur le ventre.