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UN DRÔLE DE VOYAGE

son miroir de sa poche et examinait attentivement les effets du poche-œil qu’il avait reçu dans le combat.

« C’est bien ennuyeux d’avoir l’œil arrangé comme ça, dit-il.

Je te conseille de te plaindre, dit Mimile. Ça se voit, ta blessure, c’est glorieux. Moi qui en suis pour trois coups de souliers ferrés dans les os des jambes, personne ne voit si j’ai fait mon devoir.

— Il ne faut jamais penser aux blessures, ajouta Giboulot, qui avait des bleus sur tout le corps. Nous avons sauvé un chien, et un brave chien encore ; ne regrettons ni les coups que nous avons donnés ni ceux que nous avons reçus. Les vilains petits gredins ! Vouloir par passe-temps noyer une créature du bon Dieu, faut-il être vicieux !

— Bravo, Giboulot ! s’écria Mimile ; après avoir bien agi, c’est bien parler.

— J’ai joliment agi, moi aussi, dit Charlot, qui, pour la première fois, n’avait pas fui devant le danger.

— Ça, c’est vrai, répondit Mimile, et je vois que je m’étais trompé en te croyant un peu poltron.

— Lui ! mais j’ai vu tout de suite que c’était un brave, rien qu’à sa manière de tirer sur l’ours, dit Giboulot, qui voulait évidemment encourager Charlot.

— C’est vrai, je crois que je serais brave, si j’osais toujours, dit Charlot avec conviction.

— Il ne te manquait que l’habitude, dit Mimile.

— Le plus ennuyeux, c’est qu’on ne peut jamais manger tranquille, dit Charlot.

— C’est bien plus gai de se nourrir comme ça, » reprit Giboulot, qui mangeait d’une main et de l’autre arran-