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UN DRÔLE DE VOYAGE.

— Madame, dit Charlot en pleurant, voulez-vous m’embrasser comme maman avant que je parte ?

— De tout mon cœur, mon pauvre enfant, dit la brave femme.

Charlot, à la fois attendri et désorienté, dit à Mimile après un moment de silence :

« Je suis bien fâché de ne pouvoir être tranquille nulle part ; ça m’aurait fait bien plaisir de rester très-longtemps avec Mme Hubert. Ça me faisait penser à maman de là-bas.

Chez nos mamans, repartit Mimile, après un bon dîner tout fait, nous trouvions de bons lits tout faits aussi ; le matin, avant de partir, nous n’avions pas besoin de demander qu’on nous embrasse. Et une fois dehors pour aller au collège, nous n’avions pas les gendarmes à nos trousses.

— Ni Mange-tout-cru, dit Charlot.

— Nous savions comment se passerait la journée ; il ne dépendait que de notre conduite qu’elle fût bonne. Tandis que maintenant… nous sommes obligés d’avoir peur de bien des choses.

— De tout, dit Charlot, en poussant un très-gros soupir.

— Mais bah ! reprit Mimile, je veux être battu comme plâtre si tous ces gens-là nous empêchent d’aller en Amérique, où nous nous amuserons du matin au soir pour rattraper le temps perdu. Par exemple, j’aime mieux y être que d’y aller… Mais patience, patience mon vieux Charlot ; nous y arriverons tôt ou tard. Il m’est venu une idée tout à l’heure, et tu vas voir qu’elle est très-bonne.