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UN DRÔLE DE VOYAGE.

Les deux côtelettes, grattées à outrance, furent mises sur un plat par manière d’acquit.

Elles n’étaient plus que l’ombre d’elles-mêmes, quelque chose de lamentable.

Charlot prit une poêle, et, la plaçant sur un feu très-vif, il y précipita, sans la moindre réflexion, ses fameux œufs au raisiné.

Mais, soit ignorance, soit étourderie, il avait omis de commencer par y mettre du beurre.

L’effet de cette négligence fut aussi prompt que déplorable. Une fumée épaisse, accompagnée d’une nouvelle odeur de brûlé plus âcre que les deux autres, remplit la pièce en quelques secondes : elle en était empestée à ce point que Mimile dut courir à la fenêtre et l’ouvrir toute grande pour ne pas suffoquer.

Charlot, pris à la gorge par cette vapeur, avait lâché la poêle, laquelle s’était vidée en partie dans le feu, ce qui avait, augmenté encore le désastre.

Les deux amis, accoudés à la fenêtre, toussaient comme s’ils avaient eu une très-grosse coqueluche.

Il leur eût été impossible d’échanger une parole.

Le plus fâcheux, c’est que l’amalgame formé par les œufs et le raisiné, qui était resté dans le feu, continuait de brûler et de leur envoyer un nuage de fumée noire.

Ils se résolurent enfin à sauter dans le jardin pour donner un peu d’air pur à leurs poumons, ce qui devenait indispensable.

Chaque chose a son temps ; lorsqu’ils virent que la fumée avait entièrement disparu, ils purent retourner dans leur cuisine.