« Alors, tu aimes mieux garder les oies que de travailler dans les carrières de Mange-tout-cru ?
— Pour ça oui. C’est dur, les carrières de celui-là. Tout de même, si je savais faire autre chose, je ne garderais pas les oies ; mais quand on ne sait ni a ni b…
— Il n’y a donc pas d’école dans ton village ?
— Que si, il y en a, et même une belle, et même une bonne, et couverte en tuiles. Mais grand’mère me gâtait, j’ai jamais voulu y aller ; j’ai jamais voulu apprendre un état ; alors, en attendant que je sois soldat, je ne suis bon à rien qu’à être derrière des bêtes.
« J’aimais mieux courir les champs et les bois, chercher des fraises, des mûres, des noisettes, dénicher des moigneaux et n’être bon à rien.
« C’est ça qui fait que je suis gardeur d’oies, et c’est pas lucratif, ni agréable, allez !
« On n’est pas considéré, tout le monde vous appelle imbécile, on est le valet des valets, le dernier des derniers. J’ai été bien bête ! Mais grand’mère est morte, peut-être de chagrin, il est trop tard pour mieux faire. Quand je serai soldat, on verra. Faudra bien marcher… »
Charlot ne perdait pas un mot du discours du gardeur d’oies ; sa figure s’était contristée à mesure que le pauvre garçon parlait.
Mimile approuvait de la tête les paroles du pauvre diable et n’avait pas songé à l’interrompre. Il avait du bon, M. Mimile ; ce qui était sensé le frappait.
Quand il vit que le pauvre diable avait tout dit, il lui montra une pièce de vingt sous.
« Je te donnerai ces vingt sous-là si tu peux m’in-