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UN DRÔLE DE VOYAGE.

« Enfoncé le Mange-tout-cru !… Ah ! ah ! ah ! il n’est pas très-malin non plus, le vieux brigand, car il aurait pu se douter que nous étions cachés dans un arbre.

— C’est un bien vilain homme ! dit enfin Charlot.

— Mais non, reprit Mimile, et je trouve même que, pour un brigand, il a dit de bien honnêtes choses ; il faut croire que le métier ne l’a pas tout à fait endurci. Qui sait, Charlot ? Mange-tout-cru finira peut-être par se repentir.

— Ainsi, reprit Charlot, tu crois que ce que disait Mange-tout-cru est bien vrai ?

— Quoi donc.

— Que ceux qui ne travaillent pas ne doivent pas manger, qu’ils sont pendant toute leur vie malheureux, et qu’ils se promènent sans souliers ?

— Mais oui, c’est vrai ; tu comprends bien que si tu ne sais pas fabriquer quelque chose, tu ne pourras jamais le vendre à personne, et que tu n’auras jamais ni argent, ni rien du tout. Les marchands ne peuvent pas donner les choses gratis, le pain pas plus que les souliers. C’est clair comme deux et deux font quatre. — Mais il ne s’agit pas de cela, pour le moment ; il faut d’abord savoir de quel côté s’est dirigé Mange-tout-cru.

— Bien certainement, répondit Charlot.

— Reste là sans bouger, je vais me glisser à quatre pattes dans l’herbe pour voir si le brigand est décidément parti avec tout son monde.

— Non, non ! Je ne veux pas rester seul, dit Charlot épouvanté.

— N’aie donc pas peur, je reviens tout de suite. »