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dans une île.

« Filez vite par là, petits drôles, ou je vous embroche comme des alouettes ! »

Et le paysan désignait du doigt le côté nord de la plaine, comme l’homme étrange l’avait fait avant lui.

La fourche avait un si long manche que Mimile, et surtout Charlot, trouvèrent prudent de rengainer leurs couteaux et de se retirer au plus vite dans la direction qu’on leur indiquait.

Ils furent poursuivis dans leur retraite par les rires moqueurs des trois paysans.

Bientôt fatigués de leur course, ils s’arrêtèrent pour deviser sur l’incident.

« Eh bien, ils sont gentils dans ce pays-ci ! s’écria Mimile. Les uns vous menacent de leur bâton, les autres parlent de vous embrocher à coups de fourche.

— On ne peut pas même s’asseoir pour manger, poursuivit Charlot indigné.

— Et puis, on dirait qu’ils s’entendent pour nous barrer le chemin qui conduit en Amérique, reprit Mimile.

— En suivant toujours la rivière, nous finirons peut-être par trouver un pont, dit Charlot, et une fois de l’autre côté, nous serons libres d’aller où nous voudrons.

— On ne sait pas… Vois-tu, Charlot, maintenant que nous sommes en route, il faut nous attendre à tout. Qui est-ce qui aurait pu croire qu’en voyage on n’est pas plus libre d’aller à droite ou à gauche qu’au collège ? Il n’y a qu’une différence, c’est que, pour vous faire aller, les surveillants ont des gourdins et même des fourches.

— C’est vrai, » dit Charlot en baissant la tête.