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vos nouvelles ce soir. Adieu, mon ami. Si jamais je revenais à la vie, j’aimerais à l’employer encore à vous aimer, mais il n’y a plus de temps.


Il lisait avec une sorte d’enthousiasme. Sa voix tout d’abord mesurée et habile, s’exaltait, s’enfiévrait, devenait sincère, violente, rauque. Et il la cassa durement aux dernières lignes, pour sangloter l’adieu lamentable de la mourante. Après quoi il ferma le livre et resta silencieux, debout, les yeux fixés vers la terre.

Mademoiselle Dax se souleva sur un coude et tendit la main vers le petit livre. Elle le contempla de tout près, puis l’ouvrit avec une précaution quasi religieuse. Les gardes étaient de soie. Des feuillets blancs précédaient le texte. Deux de ces feuillets, collés l’un contre l’autre, laissaient entrevoir dans leur transparence quelques mots manuscrits qu’on avait sans doute eu dessein de tenir secrets. Mademoiselle Dax, discrète, tourna la page et feuilleta. Elle cherchait la dernière lettre, « écrite à l’heure de la mort ». Les mots sublimes chantèrent devant ses yeux : Si jamais je revenais à la vie, j’aimerais encore à l’employer à vous aimer. Une trace d’ongle soulignait et encadrait le passage. Une main délicate s’était peut-être meurtrie à griffer ainsi ce papier… Mademoiselle Dax rougit et ferma le volume. La reliure mince avait l’air de garder une confidence.

Des gouttes de pluie chuchotèrent dans les sapins. Mais l’épaisseur des branches faisait parapluie. On n’était pas mouillé encore.