Dax et Cie, marchands de soie ; – la raison sociale est gravée sur une plaque de cuivre, dans le chambranle d’une porte à deux battants qui s’ouvre sur la rue Terraille. La rue Terraille, morne et terne, se serre entre d’immenses maisons laides, gluantes d’humidité. Ces casernes sont les entrepôts de la soie. Derrière les murs revêches, marbrés de salpêtre et de suie, la soie se repose de ses voyages. Elle vient de très loin. Elle est née en Syrie ou à Brousse, dans les champs turcs hérissés de minarets blancs et de cyprès noirs, – ou dans la Perse ceinte de falaises à pic, – ou dans le Turkestan nomade, – ou dans le Kouang-Toung chinois tout parfumé de menthe sauvage, – ou sur les rives plates du fleuve Bleu grouillant de jonques ; – ou parmi les vallons japonais, harmonieusement coupés de gaves et de lacs. Des Cantonaises constellées de jade, des femmes du Milieu à pieds rapetissés, des mousmés mignardes l’ont veillée avec des soins maternels, l’ont nourrie de feuilles de mûrier, l’ont réchauffée dans les magnaneries bien closes. Puis, dans les filatures tapageuses, on l’a dévidée sous de petits balais prestes, parmi l’eau bouillante qui coule. Et la soie filée, couleur de cocon – jaune d’or, vert d’eau ou blanc de neige, – tressée en flottes, à