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UNE PAIRE D’AMIS

Ils arrivaient tous deux au bout de l’allée, près de la statue du Sacré-Cœur où l’on oublie souvent de faucher les hautes herbes Saint-Jean et le chanvre. Gaston s’arrêta, pris d’une subite tentation : « Sais-tu que je commence à avoir envie de fumer ? Il y aurait peut-être moyen de nous couler dans une fraîche cachette, et de griller une cigarette à la santé du Père Préfet ». Profitant d’un moment où le surveillant était là-bas occupé à faire réciter quelque pensum, les deux amis se glissèrent derrière le kiosque, et Gaston put allumer. L’œil au guet, il aspirait avec gourmandise, envoyant la fumée dans le pan entr’ouvert de son veston, afin d’éviter tout signe compromettant. Jean-Paul reprit la conversation.

— Si jamais j’étudie la médecine, je prendrai une spécialité.

— Tu n’es pas si sot que tu en as l’air, toi ! Oui, mon vieux, c’est ça qui paye aujourd’hui. La chirurgie surtout. Quant à moi, c’est réglé. Une petite opération, enlèvement de l’appendice : cinquante piastres ou… cent piastres, selon la mine du patient. Les pauvres, je les soigne gratuitement ; mais les riches, oh ! attention, ils paieront pour les autres. J’aurai mes bureaux à Westmount, dans le quartier des richards. Il faut des bureaux meublés avec luxe, une belle plaque à sa porte, et puis de l’annonce. Me vois-tu partir avec mon « Packard » pour aller faire mes visites ? Dix piastres chacune…