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JEAN-PAUL

dégager. Tout en écoutant ce discours, Jean-Paul manœuvrait avec un air entendu.

— Ah ! vous savez, ce n’est pas une petite capture que celle-là ! ça demande de la dextérité. Je sais le secret : pour tirer de l’eau un maskinongé, il faut d’abord le noyer.

Jacques, qui avait suivi, s’empara des rames et docilement se mit sous les ordres du chef qui allait déployer une habileté remarquable dans une lutte qui n’est jamais sans émotions. Le savant pêcheur commença par retirer lentement la ficelle qui s’enroulait autour d’un moulinet. Mais voilà qu’une nouvelle secousse réclama violemment la ligne ! Il lâcha. Puis il reprit la même tactique. Le poisson se laissa approcher jusqu’à quelques verges du canot. On put le voir très bien : une belle bête, je vous assure, longue de trois pieds au moins. Son vigoureux corsage d’argent, tacheté de lames d’or, chatoyait à travers le cristal de l’eau limpide, pendant que ses larges nageoires s’agitaient doucement, pareilles à des éventails de satin. Émerveillée, la demoiselle ne put retenir un cri d’admiration. Aussitôt le maskinongé replongea, passant au-dessous du canot. Peu s’en fallut que le galant n’échappât un mot peu courtois. Jacques, habitué à la rame, tourna sans retard, et donna à son frère une position favorable. Cette fois, le pauvre animal remonta à la surface de l’eau, le ventre en l’air, s’abandonnant sans plus de résistance. On l’approcha et, d’un coup rapide,