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LE TEMPS PASSE

pièce, comme s’ils eussent voulu le graver plus profondément dans leur mémoire.

Tout en causant, Jean-Paul sentait se lever, au fond de son esprit, d’autres souvenirs. Sous les feuilles qui renaissaient, il se prit à songer aux autres feuilles qui les avaient précédées. Par cette même promenade, dans le cadre du même paysage, il avait conversé autrefois avec un autre ami maintenant disparu du Collège et de son cœur. Il avait confié à une âme qu’il croyait sœur de la sienne ses sentiments intimes, ses espoirs enchantés. Là, derrière le kiosque du Sacré-Cœur, il le revoyait, ce buisson touffu où, un jour de septembre, il s’était glissé avec Gaston Gervais, ce méchant compagnon qui l’avait détourné de son directeur spirituel pour l’engager dans toutes sortes de folies. Et voilà que le cœur trop plein de tant de pensées lourdes qu’il est toujours pénible de porter seul, Jean-Paul tira Roland près du buisson et lui conta sa petite histoire.

Une confidence en attire une autre. Roland voulut, lui aussi, déclarer ses secrets à son ami. Il annonça qu’il se destinait au journalisme. Ah ! non pas à un journalisme quelconque, à la tâche banale de reporter ; mais il entendait poursuivre ses études, obtenir la licence ès-lettres, s’initier aux questions sociales, afin de pouvoir ensuite consacrer sa vie à la défense des idées grandes et belles qui relèveraient la patrie. En lui-même, il songeait que le Canada français pourrait bien