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JEAN-PAUL

tion jusqu’à pénétrer dans ce livre de ma conscience ! Moins effronté serait l’impudent qui viendrait entendre ma confession au saint tribunal ! » Le confesseur présuma qu’il ne tombait pas sous cette excommunication, et décida, sans trop craindre les foudres de son ami, de parcourir ces notes recélant des secrets plus que sacramentels

Le soir, après la prière, il se retira chez lui, s’assit dans le silence, à côté de son bureau, tira sa lampe portative et reprit le mystérieux cahier. Le considérant à nouveau, il se rendit compte que le journal ne commençait qu’au début de la présente année. Il sauta bien des choses banales : mentions rapides de faits divers, résumés de quelques conférences, etc. D’autres passages devaient l’intéresser davantage. En effet il y avait là des épanchements, l’analyse de sentiments intimes, et la traduction plus ou moins exacte d’une âme ardente et douloureuse. Il lut :

SIX SEPTEMBRE. — Lendemain de la rentrée. — Une nouvelle année commence. Que sera-t-elle pour moi ? J’ai passé l’après-midi avec mon ami Gaston. Nous avons échangé nos rêves. Plus que jamais je veux être médecin. Plus que jamais je veux le monde, je veux être heureux. Je songe : je me vois dans mon bureau, sur la rue Sherbrooke, à Montréal. Je passe là une partie de ma journée ; les clients affluent, l’antichambre est toujours encombrée ; je surprends des conversations qui vantent mes talents et redisent mes succès. Quand arrive le soir, je retourne à mon logis où m’attend une charmante