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JEAN-PAUL

neige tombait, poussée par un vent froid et rude : la tempête de Noël, car on était au vingt-quatre décembre. Il sortit du Collège et s’engagea sur le trottoir, trébuchait à chaque pas à cause de la route encombrée, le visage fouetté par la « poudrerie », les yeux rouges de pleurs et la bouche frémissante d’un sanglot étouffé. Il s’en allait.

Le cerveau vide de toute pensée, il apercevait dans une vision rapide le tableau douloureux de sa situation présente. Comment arriver chez lui ? Un maigre rayon d’espérance luisait au fond de son angoisse : faire accepter à sa famille une version de son renvoi, tout à son avantage. Bien souvent, au cours des vacances, il avait entendu parler fort librement du Collège : son père critiquait le programme des études, sa mère blâmait les sévérités de la discipline. Sur ses propres récits, sans doute un peu fantaisistes, ils censuraient, devant lui, supérieurs et professeurs. Ces bonnes gens, qui parlaient sans malice bien qu’avec une extrême inconsidération, ne paraissaient pas se douter qu’en ruinant la confiance de l’élève envers ses maîtres, ils rendaient impossible l’éducation. Si les prêtres se plaignaient de l’indocilité de leur fils, de sa méfiance même à leur endroit, ils étaient les premiers à s’en étonner, à ne pas comprendre. Tant que le préjudice n’avait atteint que les autorités du Séminaire, on n’y prenait pas garde ; mais voilà que les parents eux-mêmes allaient en éprouver un dommage. Peut-être alors jugeraient-