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JEAN-PAUL

Après quelques tentatives mal combinées et sans effet, Barrette, qui joue centre pour les philosophes, saisit la rondelle du bout de son bâton et se précipite vers le but de l’adversaire ; Bonin le laisse passer ; Jean-Paul l’arrête et, d’un mouvement preste, se lance à son tour dans une montée où il excelle. Majeau, qui joue aile gauche dans le camp adverse, essaie de le bloquer. Jean-Paul fait un tour sur lui-même, escamote la rondelle et repart. Les deux défenses le forcent de passer entre elles en allongeant leurs bâtons bout à bout. Jean-Paul saute par-dessus les bâtons, rattrape la rondelle, et vlan !… au fond du filet.

Une immense clameur retentit sur tous les remparts. Les bâtons libres que tiennent les élèves s’abattent sur les planches en applaudissements tapageurs. On crie, on acclame le héros. Forest ! proclame une voix, et toutes les autres épellent : F-O-R-E-S-T, Forest ! Jean-Paul affecte une indifférence détachée ; il retourne à son poste avec la lenteur d’un mouvement cadencé et un peu mou. À chaque coup de son patin qui glisse, son chandail bouffe sur sa hanche comme soulevé par une brise légère. Arrivé à son poste, il s’appuie sur son bâton, une jambe au vent, et regarde. On dirait que cette démonstration ne le concerne point. Mais son cœur bat, ses yeux flambent, ses joues saignent sous le sang vermeil qui afflue, sa respiration halète : il respire à plein la gloire qui passe.